L’agriculture sous Duplessis

Maurice Duplessis, premier ministre du Québec de 1936 à 1939, puis de 1944 à 1959, est pour plusieurs Québécois un conservateur rétrograde ayant freiné le développement général du Québec, notamment par ses politiques de nature ultramontaines. Pourtant, son héritage est désormais vu sous un autre angle par plusieurs historiens qui voient dans son bilan beaucoup plus de nuances que ce que le mythe de la Grande noirceur laisse croire. C’est notamment le cas dans le domaine de l’agriculture.

José Soucy

Sous le gouvernement de Maurice Duplessis, l’agriculture québécoise connaîtra en effet une transformation majeure marquée par une série de mesures destinées à moderniser le secteur, et à soutenir les populations rurales. « On nous permettra, en revanche, de ne pas blâmer ce lointain premier ministre d’avoir par exemple aidé, et de tout son cœur, la classe agricole, et d’avoir travaillé selon ses lumières à accélérer le développement économique du Québec », racontait en 1977 René Lévesque, premier ministre du Québec, lors de l’inauguration de la statue de Maurice Duplessis à l’extérieur du Parlement de Québec.
L’un des axes principaux de la modernisation agricole sous Duplessis a été la mécanisation des fermes, et l’électrification des régions rurales. Dans la première moitié du 20e siècle, l’introduction du tracteur transforme la manière dont les fermiers travaillent la terre. Toutefois, de nombreuses fermes manquaient d’électricité, un facteur limitant pour la productivité. Pour y remédier, en 1945, le gouvernement crée l’Office de l’électrification rurale, un programme permettant d’amener l’électricité dans les campagnes, facilitant ainsi l’adoption d’équipements moderne.
En parallèle à l’électrification, Duplessis met en place le crédit agricole en 1936, un programme visant à aider les fermiers à accéder à des financements à faible taux d’intérêt. Cette initiative permet à de nombreux agriculteurs de moderniser leurs équipements, et de consolider leurs terres. Le drainage des terres agricoles constitue également un élément clé des politiques agricoles sous Duplessis. À cette époque, de nombreuses terres étaient marécageuses, et difficilement cultivables.
Au-delà des mesures financières et techniques, Duplessis met également l’accent sur l’éducation des jeunes agriculteurs. Plusieurs écoles d’agriculture sont créées pour former des générations de fermiers compétents, capables de répondre aux défis de l’époque. La modernisation du réseau routier permettra également une meilleure circulation des produits agricoles et des personnes, réduisant ainsi l’isolement des fermes.
L’interdiction de la margarine
Duplessis interdira la margarine en 1949. Cette mesure visait à protéger l’industrie laitière québécoise — notamment les producteurs de beurre — face à la concurrence de ce substitut végétal. Cette interdiction sera toutefois levée au début des années 60 sous le gouvernement de Jean Lesage.
« La province de Québec se développe à pas de géant, et les territoires autrefois inhabités sont aujourd’hui bourdonnants d’activité, et prometteurs d’un avenir fécond et durable. Mais ces progrès industriels ne vaudraient rien de durable, et ne représenteraient pas de véritable prospérité s’ils n’étaient assis d’abord sur une agriculture prospère et vivante. Les peuples qui ont vécu, les peuples qui ont prospéré sont ceux qui ont su donner à l’agriculture la place qui lui appartient, la première place dans l’économie de la province », déclarait en 1951 Maurice Duplessis au sujet de l’agriculture.

Le premier ministre du Québec Maurice Duplessis fait un discours durant la campagne électorale de 1952. Photo : Wikipédia