
Semer sous pression
Les effets des changements climatiques modifient en profondeur la réalité des agriculteurs québécois, contraints de s’adapter à des conditions de plus en plus imprévisibles. L’Union des producteurs agricoles (UPA) tire la sonnette d’alarme tout en multipliant les pistes de solutions.
Marc Larouche
Les saisons agricoles ne ressemblent plus à celles d’hier. Printemps trop humides, gels tardifs, sécheresses estivales, vents destructeurs et épisodes de pluie intense viennent bouleverser les cycles de production. « Le climat est devenu notre plus grande source d’incertitude », constate l’Union des producteurs agricoles, qui a lancé la campagne Les champs changent pour sensibiliser la population et accompagner ses membres.
Les impacts sont nombreux : retards de se mis, pertes de rendement, maladies et ravageurs plus présents, hausse des coûts de production, et baisse de qualité des récoltes. Au Bas-Saint-Laurent, le mois de mai 2025 a illustré concrètement cette réalité. « Ce qu’on a vécu en mai, c’est un cocktail de délais, de sols détrempés, de cultures minées par l’eau, et de prévisions météo aussi fiables qu’un vieux tracteur sans essence », affirme Julie Gagnon, conseillère à la vie syndicale et à la prévention à l’UPA régionale.
Ces conditions dégradent les sols et laissent des traces durables. « Si on fait des traces profondes une année, on les traîne pour les quatre suivantes. Et pendant ce temps, les cultures, elles, n’attendent pas », souligne Mme Gagnon. Cette usure des terres s’ajoute à la fatigue des agriculteurs, contraints de composer avec des fenêtres de travail de plus en plus courtes.
Adaptation nécessaire
Pour y faire face, plusieurs stratégies d’adaptation sont déjà en cours. L’UPA accompagne les producteurs dans la diversification des cultures, le recours à des variétés précoces, la révision des pratiques culturales, et l’acquisition d’équipements adaptés pour mieux profiter des moments favorables. Certains investissent dans l’irrigation, le drainage, ou même dans des technologies de surveillance météo pour anticiper les coups durs.
Mais ces changements demandent des ressources. « Tout ça, ça coûte cher, ça demande de la machinerie, du monde, puis on manque des deux », affirme Mme Gagnon. Le manque de main-d’œuvre vient en effet exacerber la pression. « Nos jeunes ne sont plus là pour les gros rushs. Ils étudient, travaillent ailleurs. On a de la misère à former des équipes stables, surtout quand la météo nous force à improviser. »
L’Union des producteurs agricoles plaide pour une meilleure reconnaissance du rôle des agriculteurs dans la lutte et l’adaptation aux changements climatiques, tout en réclamant des investissements pour soutenir cette transition. L’organisme souligne aussi l’importance de la recherche, de la formation, et de la collaboration avec les instances gouvernementales pour rendre les fermes plus résilientes.
D’un bout à l’autre du Québec, les producteurs agricoles composent désormais avec une équation à plusieurs inconnues. « On veut juste un peu de chaleur, un peu de pluie… mais pas trois jours de 30 mm d’un coup », résume Julie Gagnon, en appelant à la solidarité et à la vigilance.

Les agriculteurs doivent adapter leurs méthodes pour obtenir des récoltes abondantes. Photo : Jake Gard, Unsplash
